La révolution du courant continu
Des technologies pionnières pour l’électrification de demain
Électrification de demain
14 juin 2022
7 min
Direct current renaissance

Après plus d’un siècle passé dans l’ombre, le courant continu pourrait bien prendre sa revanche.

Les dernières années du 19ème siècle ont été marquées par une bataille acharnée autour de la meilleure méthode d’approvisionnement des consommateurs en électricité, opposant d’un côté le courant continu (promu par Thomas Edison) et de l’autre le courant alternatif (soutenu par Nikola Tesla). C’est le second qui l’a emporté et domine le monde depuis lors.

L’histoire aurait pu s’arrêter là mais deux facteurs en ont décidé autrement. D’une part, le courant continu se révèle remarquablement efficace pour le transfert massif d’électricité sur de longues distances – c’est d’ailleurs l’un de ses usages depuis des décennies. D’autre part, nous utilisons un nombre croissant d’équipements électriques fonctionnant au courant continu : téléphones mobiles, éclairages LED, véhicules électriques…

Tout cela conduit à réévaluer l’intérêt du courant continu pour le transport, la distribution voire la consommation d’électricité par l’utilisateur final. Que pourrait-il en être dans la pratique ?

Transport en courant continu

Le transport est le transfert massif d’énergie électrique, typiquement sur de longues distances, au moyen de conducteurs aériens ou de câbles souterrains (ou sous-marins). L’utilisation du courant continu haute tension (CCHT) pour le transport d’électricité présente un certain nombre d’avantages par rapport à l’alternatif haute tension.

Tout d’abord, le CCHT nécessite moins de matériel : seulement deux conducteurs au lieu de trois pour l’alternatif. Ensuite, les pertes électriques sont moindres en courant continu car seule la puissance active est transférée (alors que le courant alternatif transfère à la fois la puissance active et réactive). Enfin, la longueur possible des liaisons de transport est bien plus grande dans le cas du courant continu grâce à l’absence de puissance réactive.

Le CCHT est une technologie éprouvée, qui ne cesse de se perfectionner au fil du temps. Parmi les récentes évolutions figurent notamment les convertisseurs de source de tension (VSC) et l’accroissement de la capacité de transport des câbles. Cette avancée est imputable à l’augmentation des tensions, des températures de fonctionnement, de la section des conducteurs, ainsi qu’à l’apparition de la fabrication par extrusion. Il en résulte une réduction de l’empreinte au sol et du coût des projets CCHT relativement à l’énergie transférée. En bref, le transport CCHT devient nettement plus compétitif.

L’avenir radieux du CCHT

Deux tendances majeures du marché sont à l’origine du regain d’intérêt pour le transport CCHT. La première est la demande croissante d’interconnexion des réseaux électriques, par-delà les frontières et les océans. La seconde tient à la multiplication des parcs éoliens offshore, avec leurs câbles sous-marins d’exportation à terre.

À ce jour, quelque 15 000 km de câbles sous-marins CCHT ont été posés, employant les procédés d’imprégnation de matière (IM) ou d’extrusion XLPE (polyéthylène réticulé). 20 000 km supplémentaires d’interconnecteurs CCHT devraient être déployés d’ici 2030, sans compter les câbles d’exportation des parcs éoliens offshore. Le parc installé de câbles extrudés devrait s’étendre et égaler la longueur des câbles IM avant la fin de cette décennie. Les fabricants de câbles sous-marins CCHT se positionnent sur ce marché en investissant dans l’accroissement de leurs capacités de production et de pose.

Le courant continu pourrait-il aussi servir pour la distribution ?

Les réseaux de distribution moyenne tension (MT) et basse tension (BT), ainsi qu’à l’intérieur des bâtiments, sont dominés depuis longtemps par le courant alternatif. Cependant, la transition progressive vers le courant continu – permise par le développement des microréseaux BT et MT– pourrait amener des économies d’énergie, améliorer l’interopérabilité, faciliter l’intégration des énergies renouvelables et augmenter la durabilité.

L’intérêt pour les micro-réseaux en courant continu est motivé par des changements fondamentaux dans les modes de production, de stockage et de consommation de l’électricité.

Premièrement, la production d’électricité est de moins en moins centralisée et se rapproche des sources de demande, à l’exemple du solaire photovoltaïque sur les toits et du petit éolien. Les panneaux photovoltaïques produisent naturellement du courant continu, tout comme certaines micro-éoliennes.

Deuxièmement, les batteries se généralisent pour le stockage de l’électricité, par exemple dans les onduleurs. Elles sont utilisées par les entreprises, notamment au sein des data centers, pour sécuriser leur approvisionnement en énergie. Des systèmes de stockage d’énergie sur batteries (BESS) sont également de plus en plus déployés pour l’équilibrage des réseaux. En outre, des systèmes domestiques de ce type commencent à être disponibles. Surtout, les batteries des véhicules électriques offrent un potentiel d’intégration au réseau. L’un des aspects essentiels du stockage sur batterie est que la majeure partie est distribuée plutôt que centralisée et que la totalité fonctionne en courant continu.

Troisièmement, côté consommation, les équipements en courant continu sont aujourd’hui légions et leur adoption est en plein essor, comme souligné plus haut : smartphones, ampoules LED, véhicules électriques… Jusqu’à présent, tous dépendent d’un adaptateur pour la conversion alternatif-continu.

Autant de facteurs qui créent un terrain propice pour des micro-réseaux en courant continu réunissant la production et la consommation, avec un stockage de secours sur batteries, y compris celles des véhicules électriques. L’un des attraits de ce modèle est qu’il élimine la nécessité d’une conversion alternatif-continu et donc d’un adaptateur, ce qui aboutit en soi à une économie d’énergie.

AC/DC, Courants… et des reprises de Rock N’ Roll

Dans cette vidéo What’s Watt, Frédéric Lesur explique la différence entre courant alternatif et courant continu, tout en offrant des performances électrisantes pour dynamiser votre expérience de visionnage.

Comment Nexans favorise-t-il le courant continu ?

Nexans est un leader du marché des câbles CCHT sous-marins et investit continuellement dans le développement de ses capacités de fabrication et de déploiement. En 2021, nous avons lancé le Nexans Aurora, le navire câblier le plus avancé au monde. Le Groupe est bien placé pour accompagner les besoins futurs des opérateurs de réseaux de transport comme des promoteurs de parcs éoliens.

Alors que les installations en courant continu (CC) se multiplient dans le secteur du transport haute tension, l’étape suivante pourrait consister en des microréseaux CC moyenne et basse tension. Ceux-ci devront utiliser des câbles, accessoires et connecteurs optimisés pour être viables sur le plan technique. Il leur faudra également satisfaire aux exigences de fiabilité, d’efficacité énergétique, de durabilité et de sécurité.

Hans Kvarme

Authors

Hans Kvarme est responsable de la Techno Platform HVDC XLPE, gérant toutes les activités de R&D liées aux câbles XLPE HVDC pour le Business Group Subsea and Land Systems de Nexans. Cela implique la recherche et le développement, mais aussi la qualification de lignes d’extrusion, de matériaux, de procédés et d’accessoires nouveaux et existants.

Auparavant, Hans a occupé chez Nexans les postes de directeur de l’ingénierie et du développement de nouveaux produits au sein de la division Innovation, Service et Croissance, et de chef de département Ingénierie des appels d’offres au sein de SLS.

Il est titulaire d’une maîtrise en génie électrique et environnemental de l’université norvégienne NTNU.

Samuel Griot

Samuel Griot est responsable du département ingénierie électrique au sein du service Innovation et Croissance.

Il dirige une équipe d’experts développant de nouvelles solutions innovantes pour les applications basse, moyenne et haute tension afin de répondre aux besoins futurs des réseaux électriques. Samuel a rejoint Nexans en 2021 et possède une solide expérience en architecture de réseaux électriques et en appareillage de commutation.

Il est titulaire d’un Master en génie électrique de l’INSA de Lyon, France.