Pour remplacer les énergies fossiles (charbon, gaz naturel, pétrole, etc) dans le mix énergétique mondial, le développement de l’électricité décarbonée est la seule solution. Outre le nucléaire, présent dans certains pays, de nouvelles capacités en énergies renouvelables (photovoltaïque, éolien, hydroélectricité, etc) doivent donc être déployées massivement et rapidement.
Concernant l’Afrique, encore peu électrifiée, le défi est d’autant plus difficile à relever. En outre, le continent ne contribue que très peu au mix électrique mondial et ce, malgré son énorme potentiel en énergies renouvelables. En 2019, seulement 2 % nouvelles capacités provenaient du continent, alors même que celui-ci prévoit de doubler sa demande en énergie d’ici 2040.
À ce titre, la production locales des équipements nécessaires et l’innovation sont sans conteste les clés pour accélérer la transition énergétique de l’Afrique et exploiter pleinement son potentiel. Elles permettront de développer et de moderniser les réseaux électriques, mais également de les renforcer et de les rendre plus efficaces.
La modernisation du réseau électrique est un élément fondamental à la transition énergétique. L’électricité compte pour 25 % de l’énergie mondiale et il a fallu 100 ans pour construire le réseau électrique qui a permis d’atteindre ce taux. Nous devons faire la même chose dans 20 ans, car le taux de l’électricité dans l’énergie sera de 50 % en 2050. Cela implique deux challenges. Le premier d’étendre et de moderniser le réseau électrique en construisant de nouveaux câbles et le deuxième est l’innovation.
Vice-président innovation, services et croissance du Groupe, Nexans
L’innovation industrielle, indispensable pour développer et moderniser le réseau en Afrique
L’Afrique doit relever un véritable challenge industriel
Selon l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena), l’électricité devrait atteindre 50 % dans la consommation mondiale d’énergie finale en 2050. La part des renouvelables (photovoltaïque, éolien et hydroélectricité) dans les nouvelles capacités devrait atteindre quant à elle 80 % à l’horizon 2040.
L’Afrique, comme les autres régions du monde, doit innover pour mener à bien sa transition énergétique. Cependant, il lui faut d’abord développer son industrie localement. Cela lui offrira la possibilité de mettre en place de nouveaux écosystèmes, nécessaires à cette transition (création d’entreprises spécialisées, lancement de partenariats, acquisition de compétences, développement de nouveaux métiers, etc). L’Agence Internationale de l’Énergie (IEA) souligne, par exemple, que si le contient africain dispose des plus importantes ressources solaires au monde, il ne détient actuellement que 1% des capacités installées.
Pour en savoir plus sur les besoins et les perspectives en Afrique
Quels sont les principaux enjeux ?
Multiplier les autoroutes de l’électricité grâce aux câbles supraconducteurs
Pour électrifier le continent africain et accélérer la production d’énergies renouvelables, les réseaux doivent gagner en puissance, ce qui implique le développement de câbles innovants. À ce titre, les câbles de type supraconducteur permettent d’acheminer de grandes quantités d’énergie pour alimenter les zones urbaines, tout en réduisant les coûts et les interférences avec les autres réseaux (grâce au blindage des câbles). De part leurs fortes capacités et leur incroyable efficacité, ils constituent une énorme avancée technologique par rapport aux câbles classiques en cuivre et en aluminium. Parmi les autres types de câbles indispensables à la transition de l’Afrique, on peut également citer les câbles moyenne tension. Ces derniers sont destinés à alimenter des systèmes électriques dans des usines, des hôpitaux, des écoles, des centres commerciaux, etc.
Renforcer la fiabilité des réseaux
Il faut également savoir qu’en Afrique, comme partout dans le monde, les réseaux existants ont parfois plusieurs dizaines d’années. Cela peut poser localement des difficultés en termes de maintenance et d’entretien, mais également de résistance face aux aléas climatiques et au risque d’incendie. En outre, les anciennes infrastructures rendent souvent difficile l’intégration de nouvelles capacités renouvelables. Pour allonger leur durée de vie et les rendre plus fiables, il est donc nécessaire de les moderniser, voire de les transformer. À ce titre, les initiatives doivent être prises avec les producteurs d’énergie, mais aussi les gestionnaires de réseaux dont le rôle est déterminant dans l’entretien et le fonctionnement des infrastructures.
Respecter l’environnement et limiter l’impact carbone
Naturellement, les projets doivent s’inscrire dans une démarche environnementale, afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et limiter l’impact écologique de la transition énergétique. Cela passe obligatoirement par l’intervention d’entreprises qualifiées en la matière (économie circulaire, écoconception, etc) et la mise en place de cahiers de charges stricts (par exemple dans le cadre d’appels à projets ou d’appels d’offres incluant des critères environnementaux).
Développer l’industrie en Afrique, un véritable challenge
Au Maroc, une troisième usine Nexans sera inaugurée d’ici 2026 pour soutenir l’innovation
Vous l’imaginez, ces enjeux demandent la mise en œuvre de solutions innovantes et adaptées au marché. Pour cela, l’Afrique doit développer son tissu industriel et la R&D, notamment en matière de câbles électriques, de panneaux photovoltaïques, d’onduleurs, de compteurs intelligents, mais aussi d’éclairages LED, etc. Ces équipements sont indispensables à la création de filières locales. Ils permettront également de réduire les coûts et les émissions de gaz à effet de serre liés aux importations.
Dans cette optique, Nexans a signé deux accords avec des entités gouvernementales marocaines, notamment le ministère de l’Industrie et du Commerce, le ministère de la Transition Énergétique et du Développement Durable et l’Agence Marocaine de Développement des Investissements et des Exportations. L’objectif consiste à construire une usine de câbles moyenne tension destinés au Maroc et plus généralement à l’Afrique. Cette nouvelle unité (qui s’ajoute aux installations de Casablanca et Mohammedia) répondra idéalement aux projets à grande échelle avec des exigences spécifiques. Elle sera mise en service d’ici 2026.
Le saviez-vous ?
Le groupe Nexans privilégie les procédés de fabrication bas carbone. En 2023, 80 % des déchets de production ont été recyclés et 33 600 tonnes de déchets de cuivre ont été utilisées dans les processus de fabrication.
Favoriser la digitalisation de l’Afrique pour optimiser les réseaux
Le monitoring des infrastructures permet d’économiser jusqu’à 20 % d’électricité
Pour renforcer et allonger la durée de vie des réseaux électriques, le continent africain doit également digitaliser de nombreux processus. Parmi les outils, on peut citer la gestion de maintenance assistée par ordinateur (GMAO). Faisant appel à l’intelligence artificielle, à la géolocalisation, au big data et à des capteurs connectés (Internet des objets), celle-ci offre des fonctionnalités telles que la maintenance prédictive, des indicateurs clé de performance ou encore la planification des équipes techniques, dans le but, par exemple, d’optimiser la maintenance des centrales solaires et des parcs éoliens.
En outre, les capteurs permettent d’identifier plus rapidement et plus précisément des failles au niveau d’une centrale. Grâce à l’intelligence artificielle, il est même possible d’estimer la production d’énergie en fonction des prévisions météorologiques. Cette digitalisation se traduit par des infrastructures et des réseaux plus robustes, mais aussi par davantage de flexibilité, élément indispensable pour optimiser la gestion de l’offre et de la demande d’électricité (en fonction des pics de consommation, etc).
Autre exemple avec le monitoring qui permet de mesurer plus précisément les consommations des équipements et de détecter d’éventuelles surconsommations. Pionnier dans ce domaine, le Maroc a appris à mieux gérer ses consommations grâce au monitoring des transformateurs et des jonctions/câble, mais aussi à améliorer l’efficacité et la fiabilité de ses réseaux. Particulièrement efficace, le monitoring peut être mis en place dans le cadre de réseaux intelligents (ou smart grids). 20 % d’électricité, c’est ce que parviennent à économiser ainsi les nouvelles villes d’Afrique.
Nexans App est utilisée depuis peu dans certains pays d’Afrique dans le but de sécuriser les installations électriques et de lutter contre les contrefaçons. Destinée aux électriciens, l’application permet d’authentifier les produits Nexans en scannant simplement un QR code, mais aussi d’accéder rapidement à des informations telles que des fiches techniques.
Réduire le « time-to-market » des innovations et soutenir la formation, deux impératifs pour respecter les délais !
Comment lancer plus rapidement de nouvelles solutions industrielles ?
Il est nécessaire de structurer les partenariats intelligents entre le privé et le public afin de permettre non seulement de mobiliser des ressources financières importantes, mais également de partager les risques d’offrir un cadre contractuel sécurisé et de favoriser le transfert des connaissances et des technologies.
Directeur général, Fonds Mohammed VI pour l’investissement, Climate Day 2024
Un élément crucial est à prendre en considération pour atteindre les objectifs d’électrification dans les délais : le temps de mise en marche de telles innovations. Aujourd’hui, il faut parfois attendre 10 ans avant de tester une solution et la mettre sur le marché, ce qui est beaucoup trop long. Il est donc essentiel de réduire considérablement le « time-to-market ».
Pour cela, la mise en œuvre de programmes communs (avec des entreprises industrielles, des startups, des universités, etc) est indispensable. Le partage d’expérience, de ressources et de connaissances ne peut en effet que stimuler la R&D et les synergies, avec à la clé des solutions prenant en compte des environnements et des contextes spécifiques, ainsi qu’un volet formation.
Conscient des enjeux, Nexans a naturellement orienté sa politique innovation vers le renforcement du réseau, l’électrification durable, ainsi que la digitalisation avancée des réseaux électriques. Pour pallier les délais habituels de mise sur le marché, le groupe cherche également à proposer des solutions résilientes sans perdre de temps.
C’est pour cette raison que Nexans dispose depuis 2022 d’un Design Lab à Casablanca, au Maroc, en collaboration avec l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) et plusieurs écoles de Casablanca. Spécialisé dans le monitoring, la digitalisation et les énergies renouvelables, celui-ci analyse les besoins des utilisateurs, afin que les designers leur proposent, dans les meilleurs délais, des solutions adaptées.
Cette stratégie a notamment permis à Nexans Maroc de lancer une nouvelle offre pour les smart-grids et les micro-grids. Celle-ci consiste à accompagner les partenaires du groupe (de la phase étude à la fabrication), tout en assurant la formation des équipes et la maintenance des équipements.
Lors de la 4ème édition du Climate Day, qui s’est tenue en septembre dernier à Rabat, au Maroc, plus de 450 participants (entreprises privées et publiques, acteurs du secteur de l’énergie, organisations internationales, etc) se sont réunis pour discuter des enjeux environnementaux et de la lutte contre le changement climatique. Le groupe Nexans en a profité pour rencontrer des startups africaines engagées dans le domaine de l’électrification durable. Parmi ces entreprises, on peut citer l’exemple de DEEPLEAF, spécialisée dans l’agriculture numérique et qui utilise l’intelligence artificielle afin de détecter des anomalies au niveau des cultures.
La formation et l’éducation, deux piliers de la transition
Vous l’aurez compris, la construction d’usines et la R&D ne sont pas suffisantes pour mener à bien la transition énergétique du continent africain. La formation et l’éducation jouent également un rôle essentiel, pour sensibiliser aux meilleures pratiques énergétiques, mais aussi pour créer des viviers de compétences et de métiers à l’échelle locale.
Pour le groupe Nexans, cela se traduit par des partenariats stratégiques, en particulier au Maroc, en Côte d’Ivoire et au Ghana. Le Maroc s’impose d’ailleurs comme un exemple à suivre. Outre un Design Lab, il dispose, grâce à Nexans Maroc, de plusieurs centres de formation destinés aux électriciens et aux installateurs (via l’UM6P, l’École Centrale de Casablanca, l’IECD ou encore la cité de l’innovation de Settat).
Des initiatives concrètes ont également vu le jour sur le continent. Des acteurs tels que SOS Villages d’enfants et la Fondation Energies pour le Monde (FONDEM) mènent notamment des actions pour former des villageois au bon usage de l’électricité, au développement de l’économie locale et à l’apprentissage. Parmi les projets, on peut citer, par exemple, le raccordement au réseau de distribution électrique de 6 centres hospitaliers de Beni, en République Démocratique du Congo, our encore l’installation de systèmes photovoltaïques innovants dans 6 lycées et la création d’un MOOC (cours en ligne ouvert et interactif) de formation à la maintenance photovoltaïque à Madagascar. L’ensemble de ces projets est porté par la Fondation Nexans.
Les défis majeurs de l’électrification durable et de la transition énergétique du continent africain :
- La R&D
- Le développement, la sécurisation et la modernisation du réseau électrique
- Le recours à des processus respectueux de l’environnement
- Des réseaux et des infrastructures plus fiables et plus durables
Comment répondre à ces défis ?
- La digitalisation joue un rôle essentiel, y compris dans le but d’améliorer l’efficacité énergétique des équipements
- Pour être réellement efficace, l’innovation doit être menée en partenariat avec tous les acteurs concernés et à l’échelle locale
- L’innovation doit également intégrer la formation de professionnels et la sensibilisation de la population, des éléments essentiels pour atteindre les objectifs dans les temps